Changeons d'idées sur les déchets !

Sous-jacents de toutes les activités humaines, les déchets sont partout, et ceux qui les traitent se font toujours discrets. Personne ne veut avoir à s'occuper de ses déchets. Loin des yeux loin du cœur !

J'ai commencé ma carrière chez Broplast, dans des usines de recyclage de plastique classées pour le traitement des déchets industriels. L'industrie du déchet est certainement la plus mystérieuse qui soit.

Chez Broplast, nous recevions une dizaine de camions par jour. Pas question cependant d'afficher sur les bâches de nos transporteurs que ces camions étaient remplis de déchets, personne n'aime regarder dans sa poubelle. Le "problème déchet" doit juste être réglé, c'est tout ce qu'on veut savoir. De ce fait, très peu de gens connaissent le parcours de leurs déchets. Saviez-vous par exemple qu’un camion sur dix croisé sur les routes françaises transporte des déchets solides ? (source : ADEME)

déchets textiles

Les déchets textiles représentent 624 000 tonnes en France (source :  Eco-TLC 2018)

Les déchets : qu'est-ce que c'est ?

Je vais tenter de résumer la très bonne introduction du livre "Les déchets, du Big-bang à nos jours" par Christian Duquennoi. Les déchets ont une définition légale, qui est très centrée sur l'idée d'abandon :

« Tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon » (art. L541-1 du Code de l’environnement)

Un déchet donc, c'est ce qu'on abandonne. Il n'est donc pas question de valeur, d'état, ou de fonctionnement. Dès qu'on affirme vouloir s’en débarrasser, et quel que soit son état, un objet prend le statut de déchet. Cette définition peut paraître sévère mais elle est très utile pour évoquer le problème du déchet. La société de consommation nous pousse à abandonner un maximum nos affaires, pour les renouveler.

Code de l'environnement

Le code de l'environnement réglemente de façon très précise la gestion des déchets en France 

L’Exemple du tourbillon du bain

Vous avez déjTourbillon de bainà remarqué qu'en vidant votre bain, l'eau forme un tourbillon. Nous l'identifions car il représente une information, un déséquilibre. En Physique, on dit que ce système se maintient hors d'équilibre en s'appuyant sur son environnement. Selon le prisme de la thermodynamique, ce tourbillon est une entité à part entière appelée structure dissipative, qui prélève de son environnement de la matière (l'eau) et de l'énergie (l'énergie potentielle de l'eau qui cherche à s'échapper par le siphon) et recrache un autre mélange matière/énergie qu’on appelle déchet (de l'eau légèrement réchauffée par son passage dans le tourbillon).

Cette eau ne peut plus servir à alimenter le tourbillon tant qu'une autre structure dissipative ne l'a pas remontée dans le bain. Cette autre structure dissipative peut être une pompe ou le cycle naturel de l'eau qui la laissera s'écouler jusqu'à la mer pour être évaporée par le soleil, condensée en nuage, tombée sous forme de pluie et revenue dans le bain par le circuit des eaux municipales.

Le tourbillon est une structure fragile ! En effet, s'il n'y a plus d'eau, il disparaît, si les murs de la baignoire s'effondrent, il disparaît, et si on bouche le siphon, il disparaît encore. En tant que société, les Hommes sont une structure dissipative qui a besoin de transformer un flux de matière et d’énergie pour faire baisser son entropie. Autrement dit aucune structure dissipative ne peut survivre sans créer de déchets, nous non plus !

Le belge Ilya Prigogine a reçu le prix Nobel de physique en 1977 pour cette découverte. Prigogine a démontré que ces structures se maintiennent « en vie » en transformant un flux de matière et d’énergie qu’elles puisent dans leur environnement.

Structure dissipative

Source : Christian Duquennoi : Les déchets, du bigbang à nos jours, 2015, éditions QUAE

Donc les déchets ne sont pas le problème ?

Non, en soi ce n'est pas le fait de produire des déchets qui est problématique. Le problème c’est la pression qu’ils exercent sur notre environnement : un peu comme si le tourbillon était devenu tellement gros que l’eau, en s'échappant, fragiliserait les parois de la baignoire, jusqu'à mettre en péril sa structure. Rappelez-vous, si la baignoire s'effondre, le tourbillon disparaît !

Une du magazine GEO

En 2018, le magazine GEO titrait : "Déchets dans le monde, c'est l'overdose !"

En tête de nos déchets contaminants, on retrouve le CO2, notre déchet le plus problématique à ce jour. Mais vous connaissiez aussi les autres : gaz fluorés, microplastiques, boues rouges, perturbateurs endocriniens, nos déchets sont partout et nous menacent ! Nous avons encore pas mal d’énergie en stock (hydrocarbures, charbon, nucléaire), mais rendre cette énergie disponible augmente notre production de déchets (le CO2 est un déchet !). Nous avons encore beaucoup de matières en stock (biomasse, minerai, sable, etc.), mais cette matière est polluée par nos déchets, et elle demande de plus en plus d’énergie pour être extraite ! Le système est en tension depuis déjà longtemps.

Dans ce contexte de tension forte de notre environnement, il semble évident que la solution la plus rapide est de calmer légèrement le tourbillon, ce qui se traduit par une réduction de notre consommation. Mais est-ce bien la bonne solution ? Certes on n’a pas trouvé mieux, et en réduisant notre consommation - et donc nos déchets - nous participerons tous à retarder les effets néfastes du tourbillon. Cependant, en observant le fonctionnement de l'univers, il apparaît que la solution la plus efficace dépasse ce cadre. La nature qui nous environne est une ruche de structures dissipatives, qui se nourrissent d'une énergie gratuite (le soleil) et des déchets de leurs voisins, l'oxygène est un déchet des végétaux que les animaux utilisent. Les animaux alimentent l'humus, dans lequel puisent les végétaux.

Les hommes sont devenus un sacrément gros tourbillon. Sommes-nous capables de recréer une symbiose à l'échelle de notre appétit démesuré ? Rien n’est moins sûr. Mais nous avons le devoir d’essayer. Apprendre à aimer nos déchets, sans que leur utilisation ne nous coûte trop d’énergie, sacré défi !

Alors comment on fait ?

L’Europe tente de s’engager politiquement dans ce changement systémique. Notamment en définissant un ordre de priorité des actions à mener pour une économie circulaire :

  • Réduction de la consommation de ressources via le partage et la réparation
  • Réutilisation des produits
  • Recyclage de tous les produits
  • Valorisation maximale de tous les déchets ultimes

Notre économie est encore à des années lumières de pouvoir se prétendre circulaire, il suffit de passer dans un centre de stockage (le joli nom officiel des décharges publiques) pour le comprendre. Mais ça ne veut pas dire que c’est impossible. Les efforts nécessaires exigent cependant de changer notre rapport au monde et à la consommation profondément.

Economie Circulaire
L'économie circulaire selon la commission européenne

Nous, on aime les déchets !

Chez Tizu, on pense que les déchets doivent être la ressource prioritaire de notre industrie. C’est un immense chantier, systémique, mais nous avons la connaissance scientifique et technique nécessaire pour l’entreprendre. Nous proposons de changer collectivement notre façon de concevoir et d’imaginer les biens de consommations en connectant des gisements à des besoins, et en produisant un effort de création pour réaliser la passerelle. En partant du gisement pour concevoir le produit, on renverse la marche de l’industrie !

Aujourd’hui la contrainte déchet se fait de plus en plus prégnante, sachons nous adapter sans sacrifier notre énergie créative. Les poètes ne se contentent pas de faire des rimes, ils se contraignent à écrire des sonnets en alexandrins. Cette contrainte ne rend-elle pas leur art plus beau ?

Nos produits sont autant d'expérimentations visant à donner de la valeur aux déchets, en les rendant crédibles par rapport à leurs concurrents traditionnels. Ces déchets portent en eux la trace d'une vie antérieure, ils méritent d'être aimés ! C'est notre conviction et notre combat : les rendre beau, enviables, aimables, raffinés. Lier notre destin au leur et vous en faire profiter !

Tizu recycle les tissus
Chez Tizu, vous donnez une seconde vie à des tissus et bois destinés à la benne !